L’introduction du Circular Economy Act est une grande opportunité pour l’Union européenne de développer un cadre législatif complet qui accélère la transition circulaire dont l’Europe a tant besoin. Les tensions géopolitiques globales actuelles sont l’occasion parfaite pour remettre en question le fonctionnement linéaire traditionnel de l’économie européenne et de montrer comment une économie plus indépendante et durable devrait prendre forme.
Nécessité d’une concurrence loyale au niveau européen, à l’épreuve du temps
En tant qu’ONG environnementale, Fair Resource Foundation salue l’initiative du Circular Economy Act. Les règles (harmonisées) relatives à la responsabilité élargie des producteurs (REP), l’introduction de systèmes de consigne (DRS), les marchés publics circulaires et la fiscalité progressive sont autant de piliers qui permettront d’assurer la pérennité de l’économie de l’UE.
Il est toutefois essentiel que cette opportunité soit mise à profit pour créer des conditions équitables à long terme (level-playing field) pour les entreprises et initiatives circulaires aussi bien nouvelles qu’existantes. Cela en mettant l’accent sur la prévention des produits et matériaux, le réemploi, l’économie collaborative, la réparation, la remise à neuf et le recyclage de haute qualité. À l’heure actuelle, ces conditions équitables n’existent pas en raison de la concurrence déloyale des produits fabriqués à partir de matériaux bon marché et de mauvaise qualité qui inondent le marché européen, affectant ainsi toutes les parties prenantes travaillant dans le domaine de la circularité. De nombreux pionniers de l’économie circulaire aux Pays-Bas (New Optimist, Schreuder, Umincorp, i-did) et dans d’autres pays européens font faillite en raison de l’absence de conditions de marché équitables. Rien qu’en 2024, cinq recycleurs de plastique néerlandais ont fait faillite, sans parler des nombreuses petites entreprises qui travaillent dans le domaine de la prévention et du réemploi.
Une législation solide est donc essentielle pour établir un marché équitable et concurrentiel. Celle-ci doit aller au-delà de la seule politique environnementale et inclure des mesures fiscales progressives et des interdictions ciblées (à l’importation) des produits polluants. Les producteurs attendent des décideurs européens qu’ils leur fournissent des orientations claires et une harmonisation ; au lieu de cela, ils sont actuellement confrontés à une fragmentation et à un manque d’orientation vers une économie européenne plus efficace dans l’utilisation des ressources.
Nous appelons donc à l’adoption d’une législation fondée sur une vision claire et axée sur a durabilité, qui assure la stabilité du marché et la sécurité des investissements. La déréglementation n’est pas la solution, car elle compromet cette stabilité nécessaire du marché et crée au contraire de l’incertitude, en particulier lorsque la législation existante est abrogée après avoir été adoptée.
Recommandations pour une Europe circulaire et compétitive
Nous présentons ci-dessous des recommandations spécifiques concernant la nécessité de renforcer les responsabilité élargie des producteurs et de créer un marché pour les ressources secondaires.
Responsabilité élargie des producteurs améliorée
La responsabilité élargie des producteurs (REP) ne peuvent atteindre leur plein potentiel en tant que catalyseurs de l’économie circulaire que si des objectifs circulaires juridiquement contraignants, axés sur la prévention, le réemploi, la réparation et le recyclage en boucle fermée, sont fixés par les législateurs. La transparence doit également être renforcée, des mesures de contrôle et d’application prévues et un niveau minimum d’harmonisation au niveau européen atteint.
Les producteurs opérant dans plusieurs États membres sont actuellement soumis à un large éventail d’obligations différentes, ce qui crée une complexité et une charge administrative inutiles. S’il est important que les États membres conservent la flexibilité nécessaire pour adapter la législation européenne à leur contexte local et relever le niveau d’ambition, un certain degré d’harmonisation est essentiel. Cela devrait au moins s’appliquer aux domaines suivants :
- Les types d’objectifs à atteindre ;
- Des structures de gouvernance inclusives obligatoires pour les éco-organismes ;
- Des financements dédiés à des activités telles que le réemploi, la réparation, le recyclage en boucle fermée et l’éducation/la sensibilisation ;
- Des fonds alloués à la gestion des déchets en dehors de l’UE lorsque les produits sont exportés.
En outre, un registre européen pourrait empêcher le phénomène de passagers clandestins et alléger la charge administrative pour les producteurs. Une initiative similaire est prévue pour la REP des emballages dans le cadre du règlement sur les emballages et les déchets d’emballages (PPWR, art. 44) et peut servir de base à développer et à étendre à toutes les REP européennes.
Il est important de noter que les questions de gouvernance au sein des systèmes de REP entravent actuellement les efforts déployés par les principales parties prenantes, telles que les entreprises sociales, les municipalités et les recycleurs, pour mettre en place des systèmes circulaires performants. À l’heure actuelle, les conseils d’administration de la plupart des EPR sont principalement composés de représentants d’un nombre limité de grands producteurs, ce qui ne permet pas de prendre suffisamment en compte les points de vue des autres acteurs du secteur textile ni de garantir une responsabilité suffisante quant aux performances des EPR. La CEA devrait donc imposer l’inclusion d’un large groupe de parties prenantes de la chaîne de valeur des produits, tant dans les processus législatifs nationaux (conception des EPR) que dans la gouvernance des PRO elles-mêmes.
Pour plus d’informations sur l’amélioration de la REP, consultez notre manifeste pour une REP belge forte sur les textiles et notre prise de position plus générale sur l’amélioration de la REP.
Rôle clé des ressources secondaires dans la transition vers l’économie circulaire
La production et l’utilisation de matières premières recyclées dans les produits n’ont pas encore atteint le niveau requis pour une économie circulaire. Les principales raisons en sont l’absence de conditions de concurrence équitables par rapport aux matériaux vierges et la qualité présumée des ressources secondaires.
S’il est vrai que certaines matières premières secondaires sont de qualité inférieure à leurs équivalents primaires, cela n’est pas une caractéristique universelle. Par exemple, les plastiques et le papier recyclés ont souvent une qualité et des performances réduites par rapport aux matériaux vierges, ce qui limite leurs applications. En revanche, des matériaux tels que l’acier inoxydable ou le verre peuvent être recyclés à une qualité proche voir supérieure de l’originale et utilisés sans problème dans un large éventail de secteurs. Dans le domaine des textiles, la technologie permettant de créer des matériaux recyclés de qualité similaire à celle des matériaux vierges existe déjà en Europe. Il est donc important d’éviter les généralisations. La qualité des matériaux secondaires varie considérablement en fonction du type de matériau (c’est-à-dire les matériaux inertes), du système de collecte et du processus de recyclage. Il est essentiel de reconnaître ces différences lors de l’élaboration de politiques et de mesures incitatives visant à soutenir les modèles économiques circulaires, afin de garantir que les investissements ciblent à la fois les flux de recyclage de haute qualité et les secteurs qui peuvent utiliser efficacement des matériaux secondaires de moindre qualité, tels que la construction.
Concernant les plastiques, on constate que, tandis que les gouvernements se fixent des objectifs ambitieux en matière d’économie circulaire, l’industrie pétrochimique continue d’investir massivement dans la production de plastiques vierges. Ces derniers restant bon marché, le recyclage peine à être compétitif sur le plan économique. En Europe, la production de plastique est en baisse, car les concurrents internationaux sont en mesure de produire à moindre coût. Des pays comme la Chine et les États-Unis bénéficient du soutien de l’État et de prix relativement bas pour le carburant et les matières premières. Certains décrivent ce déclin de la capacité de production européenne comme une menace sérieuse pour la transition vers des plastiques circulaires.
En somme, cet argument implique que le maintien des industries polluantes est nécessaire pour conserver un levier d’action en faveur des futures transitions vers la durabilité. Cependant, l’Europe dispose d’instruments politiques puissants, tels que des normes normatives pour les produits et la taxation des plastiques fossiles, pour orienter efficacement la transition vers la durabilité.
Soutenir l’industrie fossile dans le maintien du statu quo n’est pas conforme aux objectifs de décarbonisation industrielle de l’UE. Nous demandons donc instamment à la Commission européenne de veiller à ce que la promotion de l’utilisation de plastiques recyclés et biosourcés ne renforce pas involontairement la dépendance à l’égard des matières premières fossiles vierges.
Le Circular Economy Act est une occasion unique pour l’UE de créer des conditions de marché équitables qui récompensent la prévention, le réemploi et le recyclage de haute qualité, qui utilisent les marchés publics comme un moyen de développer les initiatives circulaires et qui associent la circularité à une fiscalité progressive. Nous appelons les décideurs politiques à adopter des mesures ambitieuses et harmonisées qui renforcent les entreprises circulaires, réduisent la dépendance aux matières premières vierges et garantissent une économie européenne résiliente et compétitive.
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