[COMMUNIQUÉ DE PRESSE]
L’industrie belge de l’emballage s’indigne de l’introduction d’une nouvelle redevance sur les déchets sauvages de 102 millions d’euros. Mais elle oublie commodément que son lobbying efficace lui a déjà rapporté pas moins de 465 millions d’euros. Une somme économisée au détriment des pouvoirs locaux et de la société. Cette redevance doit être validée ce jour au sein du conseil des ministres wallons. Fair Resource Foundation fait le point.
Une redevance pour couvrir les coûts liés aux déchets sauvages en Belgique
La redevance sur les déchets sauvages n’est pas une simple taxe pour les producteurs d’emballages. Elle vise à couvrir les coûts sociétaux engendrés par les emballages qui finissent en déchets sauvages, suivant le principe du « pollueur-payeur ». Les producteurs assument ainsi leur responsabilité pour les déchets des emballages qu’ils mettent sur le marché. Cette redevance ne sort pas de nulle part : elle est encadrée par la législation européenne. La directive sur les plastiques à usage unique (SUPD) rend cette contribution obligatoire pour les produits SUP depuis janvier 2023, et le règlement sur les emballages et les déchets d’emballages (PPWR) la propose comme solution pour tous les types d’emballages.
En Belgique, cette redevance est en discussion depuis longtemps : les négociations autour de cet accord interrégional sur les coûts liés aux déchets sauvages (« ACI Emballages / Déchets Sauvages ») sont en cours depuis 2022 entre les trois Régions. Comme souvent, il n’a pas été évident d’aboutir à un accord au sein et entre les gouvernements régionaux belges. Le gouvernement flamand a validé le texte ce mardi et le gouvernement wallon doit le valider ce jour.
Accord d’autant plus difficile que le secteur industriel a multiplié ses tactiques de retardement ces dernières années (en 2023, 2024 et ce mardi). Et cette opposition a porté ses fruits : l’industrie a déjà économisé plus de 465 millions d’euros. Détaillons cela :
- La première proposition d’accord prévoyait une contribution de 189 millions d’euros par an pour les emballages, à partir de 2023.
- Ce montant a été réduit à 112 millions lors d’une deuxième lecture, et s’élève aujourd’hui à 102 millions.
Économie annuelle pour le secteur dès 2025 : 77 millions d’euros; - La redevance devait initialement être payée à partir de 2023. En raison de retards et de modifications, principalement dus au lobbying industriel et à des désaccords politiques, son application est repoussée à 2025. Et le secteur ose encore parler d’un « timing imprévisible », alors qu’il est au courant de cette redevance depuis plus de deux ans …
Économies pour 2023 et 2024 : 378 millions d’euros (2 x 189 millions);
Économies totales pour le secteur : 465 millions d’euros. Un lobbying particulièrement rentable … au détriment des pouvoirs locaux et de la société dans son ensemble.
L’industrie gagne, la société perd
Il ne s’agit pas uniquement de ce que le secteur de l’emballage gagne, mais surtout de ce que les pouvoirs publics perdent : communes, intercommunales, provinces et organisations comme Be WaPP. En Flandre par exemple, les autorités locales devront payer de leur poche environ 91 millions d’euros chaque année. Cela représente 56,07 % du coût total des déchets sauvages. Un coût qui sera similaire voire supérieur en Wallonie.
Cela signifie : moins de moyens pour nettoyer nos rues, parcs, accotements et cours d’eau. Moins de budget pour embaucher du personnel, améliorer les infrastructures, renforcer les contrôles et la répression, mener des campagnes ou encore ramasser les dépôts clandestins.
Et tant que ces coûts restent à la charge des autorités locales, ils sont souvent répercutés sur les citoyens via des redevances communales plus élevées ou des services réduits, faute d’autres financements.
Soyons clairs : ce que gagne l’industrie, les pouvoirs publics et les citoyens, le perd.
Contribution financière ou solution structurelle
Ironiquement, le secteur ne s’oppose pas seulement à cette contribution financière, mais depuis des années aussi à des solutions structurelles et éprouvées comme l’interdiction d’emballages à usage unique ou un système de consigne sur les canettes et bouteilles. Pourtant, de tels systèmes ont considérablement réduit la part des emballages de boissons dans les déchets sauvages dans 18 pays européens, y compris jusqu’à une réduction de 80% chez nos voisins néerlandais.
Tant que le secteur belge de l’emballage continuera à bloquer des solutions structurelles et efficaces, il ne peut pas décemment se plaindre de coûts plus élevés que dans les pays voisins. En Belgique, des alternatives comme The Click, la sensibilisation, les amendes et les actions de nettoyage de Be WaPP n’ont jusqu’à présent eu aucun effet structurel. Elles sont utiles pour sensibiliser les citoyens, mais restent incomparables à des mesures structurelles efficaces comme l’instauration d’une consigne.
Bien sûr, si un tel système était mis en place et réduisait efficacement le nombre d’emballages abandonnés et les coûts associés pour les autorités locales, cette redevance pourrait bien entendu être réduite. C’est ce qui est prévu dans le nouvel accord interrégional introduisant cette redevance, qui doit être validé ce jour par le gouvernement wallon.
Si le secteur souhaite vraiment voir cette redevance baisser, il sait ce qu’il lui reste à faire : investir dans une véritable solution, pas dans des techniques de diversion.
[FIN DU COMMUNIQUÉ DE PRESSE]
Note pour la rédaction
Contact presse :
Chloé Schwizgebel, Coordinatrice de projet Emballages
Fair Resource Foundation
+31 6 43288231
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