Brand audit Ostende : qui sont les plus grands pollueurs des plages ?

par Chloe Schwizgebel | 25 novembre 2024

Quels sont les déchets qui polluent les belles plages d’Ostende ? Et que devraient faire les producteurs de ces déchets pour empêcher l’accumulation massive de déchets sur la côte flamande ? C’est ce que nous avons décidé d’étudier avec Proper Strand Lopers et City to Ocean, par le biais d’un brand audit des montagnes de déchets trouvées sur ces plages sablonneuses.

Source photo : Proper Strand Lopers

Brand audits: what did we actually do?

Des brand audits[1] sont menés dans le monde entier par des milliers de bénévoles et d’organisations dans le but commun de rejeter la responsabilité sur les véritables pollueurs, les producteurs et les vendeurs des déchets qui finissent dans notre environnement. 

À Ostende, il n’est pas nécessaire de chercher bien loin pour réaliser un tel audit. Cet été, les Proper Strand Lopers ont trouvé jusqu’à 4 000 litres de déchets au cours de leur nettoyage quotidien d’une heure. Cette triste nouvelle est devenue à juste titre virale sur les médias sociaux. Comment est-il possible que nous laissions autant de déchets se retrouver sur nos plages et, finalement, dans la mer dans laquelle nous nous baignons ?

Pour déterminer l’origine de ces déchets, nous avons prélevé un échantillon d’une journée de litière afin d’en analyser le contenu. Il s’agissait d’une journée moyenne de fin de saison (28 août), mais nous avons tout de même trouvé 450 litres de déchets à analyser.

À quoi ressemblait cette montagne de déchets ?

Pour répondre à cette question, nous avons trié les déchets par catégorie afin d’avoir une idée générale de leur composition :  

  • Bouteilles et canettes en PET : 160 litres (35%)
  • Emballages sans marque : 110 litres (dont 0,5 L de mégots de cigarettes) (25 %)
  • Autres articles de marque : 85 litres (19%)
  • Parasols, jouets et gros objets : 80 litres (18%)
  • Vêtements : 15 litres (3%)
  • Total : 450 litres

La part des bouteilles en plastique et des canettes dans le volume correspond à la tendance générale en Belgique. Ensemble, ils représentent environ 35% des déchets sauvages.

Qui sont les plus grands pollueurs de la plage d’Ostende ? 

Coca-Cola, Unilever et Lidl en ligne pour une médaille de la honte

À qui appartiennent donc les déchets ? La figure 1 présente les 20 plus gros pollueurs dans les unités de mesure.

Sur le podium :

  • Coca-Cola (marques Coca-Cola, Fanta, Fuze Tea, Innocent, Minute Maid et Sprite) 
  • Unilever (principalement les marques de crème glacée Calippo et Cornetto) 
  • Lidl

Coca-Cola et Unilever figurent toutes deux dans le top 10 des pollueurs dans le brand audit international de Break Free From Plastic. C’est le cas depuis des années, malgré les campagnes menées par les marques pour redorer leur image. De la campagne « Recycle Me » de Coca-Cola aux déclaration de durabilité controversées d’Unilever sur la recyclabilité et la biodégradabilité, les deux groupes semblent plus désireux d’investir dans des campagnes de marketing que dans des solutions réelles pour lutter contre les déchets sauvages (systèmes de consigne, réduction des emballages à usage unique, etc.).

Ce qui est vrai dans le monde entier l’est également en Belgique, Coca-Cola étant déjà sur le podium du brand audit réalisé dans le canal de Bruxelles par City to Ocean au début de cette année.   

Il est intéressant de noter que les supermarchés présents en Belgique (Lidl, Colruyt, Aldi, Carrefour, Albert Heijn, Delhaize et Intermarché) sont les propriétaires des marques représentant 20 % de tous les déchets comportant une marque que nous avons trouvés lors de l’audit à Ostende. Ils sont doublement responsables : en tant que producteurs de l’emballage, mais aussi en tant que points de vente. Pourtant, le nombre d’initiatives en place en Belgique pour réduire les emballages dans les supermarchés se limite à quelques expériences et projets pilotes peu concluants. Notre campagne #EndDoublePackaging met en lumière ce manque d’actions concrètes de la part des supermarchés.

Remarque : lors d’un brand audit, tous les déchets n’ont pas un marquage suffisamment visible pour pouvoir être liés à un producteur ou à un détaillant spécifique. Que ce soit parce que l’étiquetage s’est estompé suite à une longue exposition aux éléments ou parce que le produit ne porte tout simplement pas de marque.

Qu’est-ce qui est jeté dans la nature ?

Les objets en plastique représentent 40 % de tous les déchets trouvés (en unités). Outre les bouteilles en plastique, nous avons trouvé des plateaux, des récipients alimentaires, des gobelets, des pailles, des filets à fruits et légumes, tous enfouis dans le sable et rejetés sur le rivage par la marée. Cette situation a un impact catastrophique sur l’écosystème local et sur notre santé. Les déchets plastiques se décomposent en microplastiques qui se retrouvent dans le sable, dans la mer, sont mangés par les animaux et finissent dans notre alimentation et notre corps. Plusieurs études tirent la sonnette d’alarme sur la présence de ces microplastiques dans le corps humain (placenta, cerveau, sang), et nous n’en sommes qu’au début de la découverte des effets néfastes qu’ils ont sur notre santé.

Outre les plastiques, les articles en papier (gobelets, pailles, barquettes alimentaires en carton) sont également de plus en plus présents dans les déchets. Bien qu’elle soit meilleure que le plastique en termes de pollution (pas de micro-plastique, meilleure dégradabilité du matériau), la production d’emballages en papier a toujours un impact négatif important sur l’environnement (BEE, 2023), avec des conséquences telles que la déforestation, la pénurie d’eau et la perte de biodiversité. Si le passage du plastique au papier peut contribuer à réduire la pollution plastique, il n’est tout simplement pas aussi respectueux de l’environnement que la prévention. 

La déforestation progresse rapidement en Europe (Suède, Finlande) et en Amérique du Sud (Brésil) en raison de la demande croissante d’emballages en papier. La production de pâte à papier – utilisée pour fabriquer des emballages en carton au Brésil – représente à elle seule 7,2 millions d’hectares, soit deux fois la taille de la Belgique. En outre, la plupart des emballages alimentaires en papier contiennent encore une doublure en plastique, ce qui signifie que nous rejetons toujours du plastique dans notre environnement.

Ce qui est également consternant, c’est que, que ce soit sur la côte flamande ou dans les canaux bruxellois, les déchets que nous trouvons sont toujours les mêmes : les mêmes déchets plastiques comme les contenants alimentaires et les emballages individuels, et les mêmes gobelets et plateaux en carton. A quelques variantes près – les mégots de cigarettes et les serviettes en papier ont été moins retrouvés dans le canal de Bruxelles – ce sont toujours les mêmes déchets. Les mêmes emballages, mis sur le marché par les mêmes producteurs. Il est temps de responsabiliser ces producteurs.

Du constat à l’action : faire payer les vrais pollueurs

Identifier le problème est un bon début, mais nous avons besoin d’actions concrètes de la part des producteurs et des gouvernements régionaux et fédéraux pour le résoudre. De nombreuses solutions existent déjà pour réduire la montagne de déchets qui menace notre environnement et notre santé. Et non, ces solutions ne se limitent pas à demander aux consommateurs d’adopter un comportement plus responsable en matière de déchets.

Ci-dessous, nous énumérons et expliquons quelques-unes des nombreuses solutions permettant de réduire les déchets sauvages.

S’attaquer aux déchets les plus courants

Certaines mesures peuvent être appliquées directement à des produits spécifiques, en fonction du nombre de pièces identifiées lors du brand audit :

  • Mégots de cigarette – 30% des déchets
    • Finaliser l’Accord de Coopération REP et déchets sauvages afin que les producteurs de cigarettes paient enfin le coût du nettoyage des produits du tabac dans les détritus.
      Remarque : cet accord devrait être d’application depuis janvier 2023 ;
    • Utiliser la taxe déchets sauvages (mentionnée ci-dessus) pour financer l’installation d’un plus grand nombre de cendriers dans les zones critiques et sensibiliser le public au problème des mégots;
    • Interdire les filtres à cigarettes en plastique afin de réduire l’impact environnemental massif des cigarettes (toxines, non-dégradabilité);
  • Bouteilles en plastique et canettes – 10 % des déchets (35 % en volume) : introduire une consigne de 0,25 € sur les bouteilles en plastique et les canettes. Cette solution a prouvé son efficacité dans 16 autres pays européens et sera obligatoire en Europe à partir de 2029. Il a été démontré que la consigne permet de réduire jusqu’à 90 % des emballages consignés dans les déchets sauvages.
  • Serviettes en papier – 9% des déchets : introduire un système « à la demande » dans l’HORECA afin que les consommateurs ne reçoivent pas automatiquement 20 serviettes pour un seul repas.
  • Emballages alimentaires en plastique – 8 % des déchets
    • Étendre la taxe fédérale sur les emballages à usage unique des boissons en plastique à tous les emballages alimentaires en plastique afin d’inciter les producteurs à réduire la quantité de ces emballages mis sur le marché et investir dans des systèmes de réemploi ; 
    • Finaliser l’accord de coopération interrégionale sur la REP et les déchets sauvages afin que le coût du nettoyage des emballages alimentaires en plastique soit supporté par leurs producteurs, et non par des bénévoles ou des municipalités. 
      Remarque : cet accord devrait être d’application depuis janvier 2023
    • Interdire l’emballage sur la plupart des fruits et légumes : d’autres pays, comme la France et le Luxembourg, ont déjà pris des mesures importantes pour éliminer progressivement le plastique utilisé pour emballer les fruits et légumes. Des études montrent (WRAP, 2022) que ce type d’emballage est souvent inutile et ne sert qu’à vendre plus de produits. Il est temps de les déballer.

Solutions globales : prévenir plutôt que nettoyer

Au-delà de ces solutions spécifiques par flux de déchets, nous avons également besoin d’une approche plus générale des emballages pour les réduire, les repenser et les réutiliser, plutôt que de les nettoyer lorsqu’ils deviennent des déchets et finissent dans la nature. Voici quelques solutions pour la Belgique:

  • Communiquer davantage sur le point de contact suremballage géré par Fost Plus[2]. Alors que Fost Plus a été chargé d’améliorer ce point de contact dans son nouvel agrément (art. 35), aucune campagne de communication supplémentaire ne semble avoir été lancée. C’est pourquoi nous avons lancé la campagne #EndDoublePackaging;
  • Privilégier la prévention et le réemploi pour éviter que les emballages ne se transforment en déchets en premier lieu. Seulement 2 articles réutilisables ont été trouvés parmi les 1400 articles comptés dans le brand audit. Les articles à usage unique sont par nature ceux qui finissent dans les déchets. Les gouvernements régionaux doivent s’assurer que les producteurs, les supermarchés et les fédérations (Fost Plus, Comeos et Fevia) accordent la priorité au développement de solutions sans emballage et de réemploi. Des projets tels que Circular Wallonia ou Green Deal Anders Verpakt sont un bon début, mais si l’on investissait autant dans la prévention et le réemploi que dans les nouvelles solutions de recyclage (chimique), la Belgique serait bien plus avancée dans la transition vers l’économie circulaire ;
  • Interdire l’utilisation d’allégations vertes telles que « Planet Safe Plastic ». Les produits portant ces labels finissent toujours par devenir des déchets dans la nature et peuvent avoir l’effet secondaire indésirable de rendre les consommateurs moins conscients de l’impact nocif potentiel de leurs déchets.
  • Interdire les emballages difficiles ou impossibles à recycler en circuit fermé, tels que les sachets (CapriSun, etc.).
  • Obliger les supermarchés à passer à la vente en vrac et aux systèmes de « refill ».

Dans leur nouvel accord de coalition, la Flandre et la Wallonie mentionnent toutes deux le principe du « pollueur-payeur », mais malheureusement sans aucune mesure concrète. Avec ce brand audit, nous fournissons aux deux gouvernements une liste d’actions claires qu’ils peuvent et doivent entreprendre pour résoudre le problème. 

Les gouvernements doivent agir et faire en sorte que les producteurs assument la responsabilité des déchets qu’ils produisent. Passons enfin du nettoyage des montagnes de déchets qui finissent dans la nature à la prévention de la production de déchets à partir de matériaux précieux. Il est temps de fermer le robinet.

[1] Nous avons suivi la méthodologie de Break Free from Plastic et soumis ce brand audit pour leur rapport annuel (en incluant également des catégories non plastiques).

[2] Fost Plus est l’organisation belge des producteurs de déchets ménagers. Elle est chargée, au nom des producteurs et des détaillants, d’améliorer la circularité et le respect de l’environnement des emballages pour ses membres.

 

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