L’avenir de la REP : comment assurer moins de concentration du pouvoir et une meilleure gouvernance ?

par Janine Roling | 3 janvier 2024

Emballages, appareils électroniques, pneus de voiture, batteries, textiles : de nombreux produits que nous, consommateurs, rencontrons au quotidien, sont soumis à la « responsabilité élargie du producteur » (REP). Et cela ne fera qu’augmenter dans un avenir (proche) pour d’autres groupes de produits, comme les chaussures et les couches. Pourtant, il y a beaucoup à critiquer à l’égard du système. Même si celui-ci garantit souvent une meilleure collecte et une meilleure couverture des coûts, qu’en est-il de rendre les produits plus durables ? Et qui est réellement aux commandes ?

L’Europe croit à la responsabilité des producteurs

Plusieurs dossiers politiques sont actuellement en cours de traitement en Europe dans lesquels la REP joue un rôle. Tout d’abord, le Règlement sur les emballages et déchets d’emballages (PPWR) : il aborde, entre autres, les investissements que les éco-organismes (EE) doivent ou ne doivent pas réaliser, par exemple dans les systèmes de réutilisation. L’éco-modulation obligatoire (différenciation tarifaire basée sur des critères de durabilité) pour les emballages est également à l’étude.

Par ailleurs, la Waste Framework Directive (WFD) est en cours de révision. Cette « directive-cadre sur les déchets » détermine, entre autres, la hiérarchie des déchets et les règles pour les systèmes de REP et les EE associés. Un dossier déterminant donc. Une partie de la révision en cours concerne l’introduction obligatoire de systèmes de REP pour les textiles. La version actuelle de la WFD prévoit déjà que les États membres doivent collecter séparément les textiles à partir de 2025. Il y aura désormais une responsabilité accrue des producteurs de textiles.

Pas de REP optimale sans changement de système 

Une chose est claire : la REP est là pour rester. Pourtant, nous avons souvent noté (comme ici et ) que de nombreux problèmes surviennent au sein des systèmes de REP, dont une grande partie peut être attribuée à une mauvaise gouvernance. Le rôle du gouvernement est trop limité, de nombreuses parties prenantes se sentent marginalisées et la mise en œuvre est inadéquate. Le message selon lequel la REP ne fonctionne pas de manière optimale est également parvenu au gouvernement néerlandais. Après que la secrétaire d’État Heijnen ait présenté sa vision de la REP à la Chambre des représentants en avril 2022, plusieurs motions ont été soumises et adoptées. En réponse à cela, le ministère des Infrastructures et de la Gestion des eaux néerlandais (I&W) a décidé de lancer un processus visant à formuler des propositions d’amélioration. Celles-ci ont été publiées en octobre de cette année.

En collaboration avec Minderoo, Recycling Netwerk a également réalisé une analyse du fonctionnement des systèmes de REP. Les conclusions sont incluses dans une position publiée en novembre.

Comment rendre la REP pérenne ?

Mais que disent les deux propositions ? Ci-dessous, nous examinons les différences et les points communs afin de voir comment nous pouvons améliorer la REP à l’avenir.

Les plans d’amélioration néerlandais : plus de circularité et de collaboration

Les propositions d’amélioration de la REP se concentrent sur deux thèmes principaux : mieux impliquer les autorités locales et intégrer davantage de circularité. Parce que les systèmes de REP actuels permettent principalement à financer la collecte et le recyclage des produits lorsqu’ils se transforment en déchets. Mais il reste encore beaucoup à faire, tant au niveau de la conception que de la mise en application. 

  • Clarification du rôle des autorités locales : la mise en place et le financement d’un système de collecte relèvent légalement de la responsabilité du producteur. Mais les autorités locales ont également une obligation légale de diligence, qui les rendent responsable de la bonne collecte des déchets ménagers. Les producteurs utilisent souvent la structure de collecte (existante) des autorités locales, ce qui ne permet pas de savoir clairement où commence et où finit la responsabilité des deux parties. Cela conduit à des situations indésirables. Le gouvernement ne prévoit actuellement aucune tâche à accomplir en la matière, mais propose de mieux ancrer le rôle juridique des autorités locales dans la législation REP.
  • Standardisation des systèmes de collecte : les nombreux systèmes de collecte différents conduisent à des discussions sur la compensation, créent une confusion parmi les citoyens et une composition mixte des flux de déchets. C’est pourquoi la secrétaire d’État propose d’harmoniser les systèmes. Cette question est actuellement étudiée en collaboration avec les autorités locales.
  • Exigences pour les éco-organismes : bien que des règles aient été élaborées que les EE doivent respecter, la pratique montre que cette mise en œuvre conjointe de la REP conduit à une concentration indésirable du pouvoir entre ces organismes. Le ministère souhaite donc mettre l’accent sur plus de transparence, un reporting plus complet, une plus grande différenciation tarifaire, l’amélioration de la coopération dans la chaîne de valeur et l’alignement des REP sur les règles de concurrence.
  • Circularité : la différenciation tarifaire (éco-modulation) n’est actuellement pas appliquée partout. Lorsque tel est le cas, il s’agit principalement de réduire les coûts de gestion des déchets, plutôt que de se concentrer sur la durabilité. La secrétaire d’État souhaite donc étudier comment des objectifs, notamment en matière de réemploi, de réparation, de prévention et de recyclage des matériaux, peuvent être inclus dans les différents systèmes REP. Nous avons vu que cela est déjà inclus dans pour le textile par exemple. En plus d’introduire de nouveaux objectifs, le ministère étudie également la possibilité d’augmenter les objectifs existants.
  • Force exécutoire : l’amélioration de la transparence et l’intensification de l’obligation de déclaration devraient également conduire à une meilleure application de la loi.
  • Elargir la responsabilité des producteurs : la mise en place de la REP sur les déchets sauvages montre que la responsabilité des producteurs peut aller plus loin que la collecte et le traitement des déchets. La secrétaire d’État étudie également comment faire payer aux producteurs la part de leurs produits qui ne sont pas collectées séparément et finissent donc dans les déchets résiduels et incinérés. Cela peut constituer une incitation supplémentaire à la collecte correcte des produits.

L’avenir de la REP selon Minderoo & RNB

Recycling Netwerk, en collaboration avec Minderoo, a réalisé sa propre analyse du fonctionnement des systèmes de REP. Bien que l’expérience pratique aux Pays-Bas fournisse des informations précieuses, l’analyse se concentre plus largement sur ce que nous observons en Europe. Sur cette base, nous formulons des recommandations politiques concrètes et ambitieuses pour améliorer l’instrument qu’est la REP et ainsi accroître son impact positif sur l’environnement. Nous discutons brièvement de chaque recommandation ci-dessous :

  • Renforcer la gouvernance et améliorer la transparence : Pour remédier à la concentration du pouvoir entre les éco-organismes (EE), toutes les parties prenantes (y compris les organisations de consommateurs, les organisations environnementales et les entreprises de gestion des déchets) doivent faire partie du conseil d’administration. Nous séparons ainsi la responsabilité stratégique de la responsabilité opérationnelle.
  • Redéfinir la mission des éco-organismes pour aller au-delà de la gestion des déchets. Nous appelons les législateurs européens à garantir que les EE couvrent l’ intégralité des coûts et à mettre ainsi en œuvre correctement le principe du « pollueur-payeur ». Les autorités locales ne sont actuellement pas entièrement indemnisées pour la collecte et la transformation des produits relevant de REP. Ce qui signifie que les villes et communes – et donc le contribuable – en supportent les coûts.
  • Assurer une éco-modulation harmonisée. L’éco-modulation (différence dans la contribution à la gestion des déchets en fonction, par exemple, des matériaux utilisés ou du degré de recyclabilité) a un rôle important à jouer dans la durabilité des produits. Nous devons garantir une structure tarifaire harmonisée selon les principes de la hiérarchie des déchets, en donnant la priorité à la prévention, à la réutilisabilité et à la recyclabilité et en évitant autant que possible les effets secondaires pervers.
  • S’attaquer aux ‘passagers clandestins’ (en particulier dans le commerce électronique). Il est crucial que les législateurs européens garantissent des conditions de concurrence équitables, y compris pour les produits importés vendus en ligne. Les plateformes en ligne doivent s’assurer que les commerçants qu’elles hébergent respectent les règles de la REP. Les mesures d’application pour les détaillants non européens vendant directement aux consommateurs de l’UE devraient être renforcées, avec la possibilité d’interdire leurs produits du marché européen s’ils ne le font pas.
  • Reconnaître les systèmes de consigne obligatoire dans le cadre de la politique de REP : la consigne s’est avérée efficace pour augmenter les taux de collecte et réduire les déchets sauvages. Nous pensons que la consigne constitue donc un instrument crucial pour le bon fonctionnement des programmes de REP. C’est également un tremplin vers de futurs systèmes de réemploi.
  • Combinez le potentiel de la REP avec d’autres mesures de politique économique : la REP à elle seule ne suffit pas à la transition vers une économie circulaire. Les instruments fiscaux, tels que des taux de TVA plus bas sur les produits fabriqués à partir de matériaux recyclés et des taux plus élevés sur les matières premières vierges, peuvent également réduire la demande de matières premières.

Conclusion : quel chemin prendre ?

Dans de nombreux domaines, les deux analyses semblent poursuivre le même objectif : améliorer la responsabilité des producteurs afin qu’elle devienne un instrument plus équitable qui génère davantage de bénéfices environnementaux. Nous saluons le fait que le gouvernement néerlandais reconnaisse que les éco-organismes disposent actuellement d’un trop grand pouvoir, au détriment des autres parties prenantes et de l’efficacité de la politique.

Il semble également y avoir une prise de conscience que la durabilité ne doit pas être laissée aux mains du secteur industriel. En fait, pour des raisons financières, la réduction des coûts est souvent préférée à la durabilité. Nous espérons donc que le gouvernement néerlandais œuvrera à l’élaboration d’orientations claires sur une véritable circularité, mettant fin aux objectifs progressifs difficiles à mettre en œuvre.

Malheureusement, le gouvernement ne joue pas suffisamment son rôle en ce qui concerne la gouvernance de la REP. La secrétaire d’État envisage ce rôle principalement en cas de conflits. Le rôle du gouvernement est alors réactif. Cependant, la gouvernance du gouvernement ne doit pas concerner seulement la résolution d’incidents, mais aussi se pencher sur la manière dont la politique est élaborée et mise en œuvre. Le problème de gouvernance au sein de la REP est structurel et ne sera donc pas résolu en agissant de manière réactive. Nous espérons que la gouvernance de la REP sera révisée pour être plus intégrale. La mise en place d’une option de réaction est utile, mais pas suffisante. Le gouvernement ne doit pas être rendu responsable, mais plutôt contrôler la REP.

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