Rapport PwC pour Stichting OPEN plaide pour un monopole de la REP, mais ignore les critiques

par Serra Anker | 12 novembre 2025

La Fondation OPEN (anciennement Wecycle) est la seule organisation néerlandaise de producteurs pour les déchets électroniques (e-waste). Elle a commandé une étude à PwC, dont il ressortirait qu’un marché avec un seul éco-organisme (PRO) serait le plus efficace et le plus effectif pour la mise en œuvre de la Responsabilité Élargie des Producteurs (REP). Ce résultat tombe à point nommé pour la Fondation OPEN, mais cette conclusion est-elle réellement fondée ?

Un peu de contexte sur les résultats de la Fondation OPEN

Depuis 2019, la Directive européenne 2012/19 impose aux États membres de veiller à ce que 65 % de la moyenne triennale des équipements électriques et électroniques (EEE) mis sur le marché soient collectés séparément par les producteurs, avec en complément des objectifs minimaux par catégorie de produits pour la préparation au réemploi et le recyclage.
Bien que la loi oblige les producteurs à atteindre ces objectifs individuellement, cela s’avère souvent très difficile dans la pratique. C’est pourquoi les producteurs et importateurs se regroupent dans des éco-organismes (PRO) qui assurent collectivement la mise en œuvre de la REP.

Au moment de l’introduction de ces objectifs, le taux de collecte des EEE usagés aux Pays-Bas n’était que de 48 %, et le marché comptait plusieurs PRO, notamment Wecycle et WEEE Nederland. Wecycle estimait qu’une position de monopole permettrait d’atteindre plus rapidement les objectifs fixés. L’organisation a donc demandé une Déclaration d’Application Générale (AVV), en promettant d’atteindre le taux légal de 65 % dans un délai de deux ans. Le ministère des Infrastructures et de l’Environnement (I&W) a ensuite approuvé cette AVV, contraignant les producteurs, municipalités et détaillants affiliés à WEEE Nederland à rejoindre Wecycle, qui est devenue à partir de ce moment la Fondation OPEN. WEEE Nederland est ensuite devenue un prestataire de services de la Fondation OPEN.

Cependant, la promesse d’atteindre 65 % en deux ans n’a pas été tenue. Cinq ans plus tard, cet objectif reste toujours hors d’atteinte : en 2024, seulement 32 % ont été collectés. La Fondation OPEN critique par ailleurs l’objectif des 65 %, ce qui peut se comprendre, car cet objectif ne prend en compte que le recyclage, sans tenir compte du réemploi, de la réparation ou d’autres stratégies circulaires.

L’essor rapide des panneaux solaires fausse également les chiffres, puisqu’ils représentent désormais un tiers du volume total mis sur le marché, mais sont encore très peu jetés. Le nouvel objectif européen, qui exige que 85 % des EEE réellement jetés soient collectés la même année, corrige ces lacunes.
Le secrétaire d’État du ministère I&W a d’ailleurs confirmé que c’est désormais l’objectif de 85 % qui fera foi, et non plus celui de 65 %. Malgré cela, avec un taux de 68 %, la Fondation OPEN reste encore loin du compte.
La Commission européenne a donc engagé une procédure d’infraction contre les Pays-Bas, et l’Inspection de l’Environnement et des Transports (ILT) a placé la Fondation OPEN sous surveillance renforcée, lui demandant d’élaborer un plan d’amélioration pour augmenter le taux de collecte.

Le rapport de PwC

Le rapport rédigé par PwC à la demande de la Fondation OPEN se concentre principalement sur l’efficacité et les avantages d’un modèle à éco-organisme unique – autrement dit, un monopole.
Selon PwC, un tel modèle serait plus efficace pour lutter contre les “free riders” (passagers clandestins), garantir la sensibilisation du public et permettre des investissements à long terme. À l’inverse, le passage à un système à plusieurs éco-organismes engendrerait selon eux de nombreux problèmes, comme la favorisation des grandes entreprises et une pression concurrentielle sur les prix, qui ne favoriserait ni le recyclage de qualité ni les objectifs à long terme.

Fait intéressant, une autre étude commandée par l’European Recycling Platform aboutit à la conclusion inverse : la concurrence entre PRO stimule l’innovation et l’efficacité, car elle pousse les organisations à améliorer les services proposés à leurs clients. Le rapport de PwC se concentrant uniquement sur les arguments en faveur d’un monopole, il ne répond pas à la question essentielle : comment concevoir un système de REP réellement efficace ?

Un autre point important concerne le manque de consultation des parties prenantes dans le rapport, telles que WEEE Nederland (qui collabore désormais avec la Fondation OPEN), mais aussi les centres de recherche, collectivités locales, recycleurs et organisations de consommateurs.
Sans leur participation, il est difficile d’arriver à des conclusions pleinement fondées, surtout lorsqu’il s’agit de promouvoir la circularité, la transparence et la participation dans la gouvernance des éco-organismes.

Pour une REP inclusive

Un position paper de Fair Resource Foundation souligne le risque que les éco-organismes utilisent leur pouvoir pour des actions de lobbying, tandis que les autres acteurs seraient trop peu entendus.
La création de l’éco-organisme REP Collectief Circulair Textiel visait justement à offrir une alternative plaçant la circularité et l’inclusivité au centre.
Une carte blanche de l’Université d’Utrecht sur la REP insiste également sur la nécessité d’un nouveau modèle de gouvernance pour les éco-organismes, accordant un rôle clair à d’autres acteurs – collectivités, entreprises de gestion des déchets et organisations de la société civile – dans la définition de la stratégie de l’éco-organisme.
Cette carte blanche plaide ainsi pour une « organisation de gestion de la chaîne de valeur circulaire » à large représentation, et non limitée aux seuls producteurs.

La véritable question n’est donc pas de savoir s’il faut un ou plusieurs éco-organismes, mais quels cadres réglementaires le gouvernement doit fixer pour garantir leur bon fonctionnement. Dans ce contexte, le processus actuel de révision de la REP est particulièrement important.

Une méthodologie discutable

L’étude soulève également des questions sur sa méthodologie et l’interprétation des résultats, puisque l’analyse repose sur la comparaison des Pays-Bas avec cinq autres pays européens.

La conclusion selon laquelle un monopole serait plus efficace et effectif se fonde donc sur une base limitée. Les chiffres du rapport ne démontrent d’ailleurs pas clairement que les pays disposant d’un système à éco-organisme unique obtiennent de meilleurs résultats que ceux dotés de plusieurs éco-organismes, une conclusion qui semble donc prématurée.
Le Planbureau voor de Leefomgeving et le Centraal Planbureau soulignent eux aussi qu’il est pratiquement impossible de déterminer empiriquement dans quelles conditions les éco-organismes monopolistiques sont plus efficaces que les éco-organismes concurrents, en raison des grandes différences de coûts et de flux de déchets entre les pays.

Le rapport présente par ailleurs des similarités frappantes avec une autre étude de PwC sur Verpact, le seul éco-organisme néerlandais pour les emballages, réalisée plus tôt la même année par le même cabinet de conseil. Les questions et conclusions y étaient identiques : le système actuel, dominé par une seule entité, serait le plus performant. Difficile d’y voir une coïncidence, d’autant que les deux rapports ont été publiés à quelques semaines d’intervalle, avec un objectif similaire.

En conclusion

La Fondation OPEN utilisera sans aucun doute les conclusions du rapport PwC auprès du ministère et des autres parties prenantes pour appuyer sa nouvelle demande d’AVV, déposée le 1er avril 2025, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2026.
Le timing de la publication est d’ailleurs stratégique, compte tenu des élections législatives du 29 octobre et de la consultation sur la loi européenne sur l’économie circulaire, qui traite également de la REP. L’objectif du rapport est donc clair : souligner l’importance de l’AVV auprès des décideurs politiques.

Qu’elle soit accordée ou non, il est essentiel de ne pas réduire le débat sur la responsabilité des producteurs à une simple question de monopole ou de concurrence, mais de réfléchir à ce que nous attendons réellement de la REP. C’est-à-dire : une orientation vers la circularité plutôt que vers la seule collecte et le recyclage, plus de transparence, une implication réelle des parties prenantes, et une application rigoureuse des règles.

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