L’organisation environnementale Fair Resource Foundation fait plusieurs propositions politiques pour une transition plus rapide vers une économie circulaire dans une lettre adressée à la secrétaire d’État à l’I&W Vivianne Heijnen.
Le nouveau cabinet néerlandais Rutte IV est officiellement installé depuis le 10 janvier. Il avait été annoncé précédemment que Stientje van Veldhoven (D66) ne resterait pas secrétaire d’État à l’Infrastructure et à la Gestion de l’eau (I&W). Steven van Weyenberg a été secrétaire d’État du 10 août 2021 au 10 janvier 2022. Entre-temps, Vivianne Heijnen (CDA) a pris ses nouvelles fonctions.
Le cabinet Rutte IV présente ses ambitions en matière de changement climatique et de circularité dans l’accord de coalition « Omzien naar elkaar, vooruitkijken naar de toekomst » (veiller les uns sur les autres, regarder vers l’avenir). Les Pays-Bas veulent faire partie des « pionniers » dans la transition vers une économie verte. D’ici 2050, le gouvernement veut être neutre sur le plan climatique.
En tant qu’organisation environnementale, nous saluons ces intentions. La secrétaire d’Etat Heijnen joue un rôle important dans le dossier de l’économie circulaire. Nous lui avons écrit une lettre dans laquelle nous soulignons les thèmes politiques que nous considérons comme essentiels pour réaliser les ambitions de l’accord de coalition. Des sujets qui sont au cœur de la transition vers une économie circulaire et qui requièrent une politique décisive.
Réduction des matières premières dans la construction, la mobilité, l’électronique, le textile et l’emballage
L’économie circulaire vise à réduire l’utilisation des matières premières. À l’heure actuelle, plusieurs industries dépendent encore fortement des matières premières vierges, ce qui a des répercussions considérables sur l’environnement.
Toutefois, cette question n’est pas au centre de l’accord de coalition. L’accord de coalition fait à juste titre le lien entre le climat et l’économie circulaire (p.7), car après la transition énergétique, l’économie circulaire est le deuxième domaine par lequel les émissions de CO2 peuvent être considérablement réduites. Mais la réduction de la consommation de ressources revêt une importance stratégique plus large pour les Pays-Bas. Les avantages environnementaux qui en découlent vont bien au-delà de la réduction des émissions de CO2.
Le programme gouvernemental d’économie circulaire « Nederland Circular in 2050« , élaboré en 2016, fixe l’objectif ambitieux de réduire de moitié l’utilisation de matières premières abiotiques d’ici 2030 par rapport à 2014 et de parvenir à une circularité totale d’ici 2050. Nous demandons à la Secrétaire d’Etat de réaffirmer ces objectifs au cours de cette période de coalition et de développer des plans contraignants de réduction des matières premières dans des domaines tels que la construction, la mobilité, les appareils électriques, les textiles et les emballages. Il est important de noter que de nombreuses politiques se concentrent actuellement sur la gestion et le traitement des déchets, et non sur la réduction des matières premières. Une réorientation fondamentale des approches politiques est nécessaire pour réduire de manière significative la consommation de matières premières.
Responsabilité élargie des producteurs
La responsabilité élargie des producteurs (REP) existe pour un nombre croissant de groupes de produits aux Pays-Bas. Le gouvernement rend ainsi les producteurs responsables du cycle de vie de leurs produits et systèmes de produits, dans le but de réduire considérablement leur impact.
Aux Pays-Bas, des systèmes REP existent déjà pour les pneus de voiture et les véhicules hors d’usage, les emballages, les équipements électroniques, les piles et les accumulateurs. Le gouvernement a préparé un projet de règlement visant à ajouter les textiles à ces systèmes à partir de 2023. Fair Resource Foundation a récemment soumis un avis à ce sujet.
Pour mettre en œuvre les objectifs, les producteurs couverts par la REP ont créé des organisations de responsabilité des producteurs (éco-organismes). Ces éco-organismes mettent en œuvre la politique au nom des producteurs concernés.
Encourager les producteurs à rendre leurs produits plus durables et à réduire leur impact est une bonne chose. Cependant, nous constatons également que l’instrument de la responsabilité des producteurs conduit souvent à des politiques environnementales inefficaces. Les organisations de producteurs sont mandatées par la réglementation pour réduire l’impact environnemental des produits. Mais certains éco-organismes semblent également exercer une influence supplémentaire, négative, sur les objectifs et les réglementations en matière d’environnement. Elles promeuvent les intérêts financiers des producteurs par le biais de pratiques de lobbying, allant ainsi à l’encontre de politiques environnementales plus ambitieuses.
Les organisations de producteurs ne peuvent pas remplacer les parties prenantes. Les gouvernements et la société dépendent des éco-organismes pour la mise en œuvre des politiques. Ces derniers devraient également se concentrer sur la mise en œuvre et ne pas l’affaiblir. Par conséquent, nous suggérons que le gouvernement réglemente mieux la gouvernance des REP. Pour ce faire, le gouvernement devrait lancer un large débat avec les différentes parties prenantes, y compris les universitaires, les organisations environnementales, les collecteurs de déchets et les producteurs. Fair Resource Foundation a déjà entamé des recherches sur l’amélioration de la gouvernance des organisations de producteurs.
Mettre l’accent sur la prévention
Une économie circulaire devrait viser à réduire l’utilisation des ressources. Or, la politique du gouvernement néerlandais se concentre principalement sur le traitement des déchets. Bien que la réutilisation des matières premières soit possible grâce à un recyclage de qualité, une plus grande attention devrait être accordée à la prévention et à la réutilisation. Un exemple : En 2019, Fair Resource Foundation a montré que les producteurs de boissons alcoolisées, de shampoing et d’assouplissant rendent leurs emballages inutilement lourds pour des raisons de marketing. Cela entraîne un gaspillage de matériaux. En allégeant ces emballages, on peut économiser des matières premières. La prévention et la réutilisation des produits, et non le recyclage, sont au sommet de l’échelle R car elles contribuent directement à la réalisation des objectifs circulaires. En fait, la directive-cadre européenne sur les déchets exige que les gouvernements suivent l’ordre de priorité de la hiérarchie des déchets lorsqu’ils élaborent leur législation. Malheureusement, c’est encore loin d’être le cas.
Priorité à la réutilisation
Une grande partie des emballages jetables peut être remplacée par des emballages réutilisables. Cela est également nécessaire pour répondre aux exigences de la directive européenne sur les plastiques à usage unique (SUP). La secrétaire d’État de l’époque, Stientje van Veldhoven, a écrit dans sa lettre de mission de février 2021 qu’elle souhaitait s’engager dans des « accords nationaux pour offrir des tasses, des couverts et des emballages réutilisables aux utilisateurs partout où c’est possible et pour éliminer progressivement l’utilisation d’emballages jetables partout où c’est possible dans les années à venir ». Nous demandons au gouvernement de transformer cette ambition politique en réglementation concrète d’ici 2023.
Actuellement, l’ambition et la mise en œuvre de la politique néerlandaise sont limitées, surtout par rapport aux pays voisins. D’ici 2026, l’Europe devrait démontrer une réduction quantitative et mesurable de la consommation de gobelets en plastique et d’emballages alimentaires et encourager le recyclage. Elle ne doit pas se concentrer uniquement sur les plastiques à usage unique, car cela risquerait d’entraîner une réorientation vers d’autres matières premières.
L’extension du réemploi nécessite également des infrastructures pour faciliter la logistique de retours. À cet égard, la facilité d’utilisation pour les consommateurs est primordiale (voir les études sur les consommateurs réalisées par Mission Reuse et Kantar). Les parties prenantes doivent travailler ensemble pour y parvenir. Le gouvernement devrait faciliter et soutenir financièrement cette démarche, par exemple en augmentant le coût des produits jetables, en imposant une taxe sur les produits jetables, en étendant la responsabilité des producteurs, en encourageant la réutilisation et en subventionnant les éléments logistiques nécessaires, tels que les stations de lavage de voitures.
La consigne est un outil indispensable pour l’économie circulaire
Le réemploi des produits et des matières premières est nécessaire à la transition vers une économie circulaire. La consigne est le moyen d’obtenir une collecte de haute qualités pour les produits et permet donc une réutilisation des ressources.
Le cabinet Rutte III a décidé d’introduire une consignes sur les bouteilles et les canettes. Le soutien en faveur de la consigne sur ces emballages de boissons est très important. Par conséquent, cette décision politique a été largement saluée par la société. Des exemples fréquents dans d’autres pays prouvent le rôle important que jouent la consigne dans la transition vers l’économie circulaire. Il s’agit d’un système « facile à mettre en œuvre ». Un fruit à portée de main.
Cependant, nous constatons que lors de la mise en œuvre du système de consigne aux Pays-Bas, le gouvernement précédent a fait des choix qui compromettent l’efficacité du système de consigne et donc les gains environnementaux attendus. Parmi les exemples, le montant de la consigne est trop faible (0,15 €), il existe des exceptions incompréhensibles sur les bouteilles de jus de fruit et l’obligation de reprise dans les points de vente a été retirée de la loi, ce qui ne permet pas aux consommateurs de pouvoir récupérer leurs consignes dans suffisamment d’endroits.
L’efficacité du système de consigne dépend de la participation des consommateurs. Mais la conception du système de consigne néerlandais ne facilite pas cette participation. L’industrie, sous la pression des supermarchés qui s’opposent à la consigne, continue d’en éroder le fonctionnement. Le projet actuel d’Afvalfonds d’envoyer les consommateurs à un autre point de collecte en dehors du supermarché pour les canettes consignées, ce qu’ils appellent les « hubs circulaires », n’est pas le seul, mais néanmoins el plus récent et le plus frappant exemple de ce phénomène.
Nous demandons instamment à l’actuel gouvernement de veiller au bon fonctionnement du système de consigne. Ce n’est qu’à cette condition que le soutien à cette décision politique et à la consigne en tant qu’instrument restera intact et que les Pays-Bas pourront en tirer le maximum de bénéfices environnementaux.