Source: LeSoir.be “Instaurer une consigne sur les canettes et les bouteilles en plastique: une piste sérieuse en Wallonie”
Elle y parle aussi de l’échéancier et du contenu de cette étude. Nous présentons ci-dessous notre analyse du plan proposé et fournissons certaines suggestions afin que cette étude soit réalisée rapidement et de manière ciblée.
Un premier pas dans la bonne direction
Avant tout, nous considérons que le lancement de l’appel des marchés publiques pour mandater un bureau d’étude pour cette étude est un premier pas dans la bonne direction. Passer du mythe à la réalité en mettant en place un système de consigne sur les canettes et les petites bouteilles en plastique en Belgique est une avancée claire dans la direction d’une réduction drastique des déchets sauvages le long des routes belges, dans les villes et dans la nature.
Le gouvernement wallon assure dans son accord de coalition « Déclaration de Politique – Wallonie – 2019-2024 », qu’il se portera garant de « la mise en œuvre progressive, à l’échelle de la Belgique, d’un système de consigne ou de prime de retour pour les canettes et les bouteilles PET, qui soit viable économiquement, efficace et qui permette d’obtenir des gains environnementaux et de propreté publique » avant la fin de la législature en 2024.
L’accord de coalition stipule donc essentiellement que la Wallonie introduira soit un système de « prime de retour« , soit un système de consigne. Ces systèmes sont très différents.
La prime de retour a été testée en Wallonie de septembre 2018 à juillet 2021 par Be WaPP, une ASBL créée par Fost Plus, et les fédérations de l’industrie et du commerce Fevia et Comeos. Sur base de l’évaluation du projet « prime de retour« , les membres de la Commission wallonne de l’environnement et la ministre ont unanimement conclu, le 19 octobre 2021, que la prime de retour n’est pas un système approprié pour rendre l’environnement wallon propre d’une manière économiquement viable. L’évaluation a montré le manque d’efficacité de ce système de prime de retour pour améliorer la propreté publique ainsi que le manque d’implication des citoyens, cela en plus d’être un système trop coûteux, comme nous l’avons expliqué dans un article précédent. Des articles de presse ont conclu que l’option de la prime de retour était « morte et enterrée » (L’Avenir, Canettes : prime de retour enterrée, vive la consigne, 19 octobre 2021).
Suivant l’accord de coalition, le gouvernement prend maintenant des mesures pour introduire le système de consigne. Afin de le faire dans le cadre de son mandat et de respecter l’accord de coalition, l’étude de faisabilité doit être ciblée et achevée en 6 mois.
La nécessité d’une étude rapide et efficace
Nous estimons que la réalisation d’une étude visant à renforcer le niveau de connaissances pour informer la décision d’instaurer un système de consigne et sa portée est une étape nécessaire. Toutefois, sa réalisation ne doit pas entraîner de retards inutiles dans le processus de décision politique, afin que le système puisse être mis en œuvre au cours du mandat du gouvernement actuel.
L’échéance prévue pour la présentation du rapport final de l’étude – juin 2023 – rend la mise en œuvre pratique d’un système de consigne en Wallonie (sans parler de l’ensemble de la Belgique) impossible avant la fin du mandat. Outre le temps de l’étude, il faut également prévoir un délai pour les procédures législatives entre la décision du gouvernement et la publication du décret, et pour que le secteur prévoit la logistique.
Le cadre juridique peut déjà être rédigé, sur la base des législations d’autres pays, et il est possible de gagner du temps en commençant les préparatifs juridiques parallèlement à l’étude de faisabilité. De plus, l’expérience montre qu’une étude de faisabilité peut être réalisée en 6 mois environ, comme ce fut le cas de l’étude d’impact de l’OVAM, publiée en juin 2015.
Premièrement, l’emploi d’un bureau d’étude compétent et indépendant ayant une expérience considérable dans la réalisation d’études sur la consigne garantira une étude réalisée dans un délai plus court.
Deuxièmement, il est utile de s’inspirer d’études antérieures réalisées dans différents pays. Elles peuvent servir de trame pour l’étude de faisabilité. Les études coûts-bénéfices de l’OVAM (2015) et de CE Delft (2017), toutes deux commandées par un gouvernement, avaient des objectifs similaires d’objectivation des impacts de l’introduction, respectivement en Flandre et aux Pays-Bas, d’une consigne.
Enfin, pour éviter tout retard inutile, il est important que l’étude se concentre uniquement sur le sujet nécessaire pour objectiver la situation et définir le modèle du système de consigne, comme le suggère Mme Tellier dans son interview à Le Soir. Le recours à un bureau expérimenté et l’apprentissage à partir d’études antérieures permettront de s’assurer qu’aucune dimension nécessaire n’est oubliée, mais aussi d’éviter que l’étude ne devienne trop vaste.
Le contenu nécessaire à une étude ciblée
Pour réellement informer la décision concernant la mise en place d’un système de consigne sur les canettes et les bouteilles en plastique en Wallonie et en Belgique, l’étude devrait se concentrer uniquement sur les éléments pertinents pour objectiver les coûts et les bénéfices de l’introduction d’une consigne en Wallonie et en Belgique.
Comme le suggère à juste titre Mme Tellier dans son interview, l’étude devrait « évaluer les impacts économiques, environnementaux et autres de l’introduction d’une consigne« . Dans cette analyse coûts-bénéfices, comme cela a déjà été fait dans d’autres études, il est en effet essentiel de fournir une image complète des impacts d’un tel système. Cela potentiellement avec différents scénarios pour moduler les coûts et les bénéfices. Outre les coûts et bénéfices économiques, l’étude devrait également examiner et estimer les bénéfices sociaux et environnementaux.
Les déchets sauvages étant le point central de la politique gouvernementale dans les trois régions, l’étude devrait examiner comment une consigne en Wallonie et en Belgique pourrait contribuer à réduire les déchets sauvages. Une réduction significative des déchets sauvages, et l’amélioration de la propreté publique qui en découle, doivent peser lourd dans les décisions. Les arguments de Comeos, Fevia et Fost Plus ne doivent pas faire perdre de vue au gouvernement l’objectif premier, une Wallonie plus propre, qui rend également plus de 74% de la population favorable à la consigne, selon plusieurs enquêtes (Test-Achats, GfK).
Afin d’avoir une image claire de tout le potentiel d’un système de consigne en Belgique, cette étude devrait également se pencher sur des chiffres plus objectifs et plus précis sur la collecte et le recyclage en Belgique. Plusieurs recherches indépendantes ont calculé des chiffres alternatifs à ceux de Fost Plus pour la collecte et le recyclage (voir RTBF, Recover et notre propre article) et une nouvelle mesure de calcul européenne pour le recyclage est en place. Des chiffres exacts sont nécessaires pour déterminer le gain financier et environnemental réel à réaliser avec la consigne. Chaque point de pourcentage de collecte supplémentaire entraîne d’énormes gains environnementaux (Eunomia, 2022, Figure 4-2, p27).
Impliquer les autres régions et la société civile
En Belgique, la gestion des déchets est une compétence des régions. Il est intéressant et important que l’étude de faisabilité implique d’autres régions en les « associant au comité de suivi de l’analyse« , comme annoncé par Mme Tellier.
Les discussions interrégionales sont en effet essentielles pour garantir que le système, s’il n’est pas mis en œuvre directement dans les trois régions, puisse être rapidement étendu à l’ensemble de la Belgique, afin d’offrir un effet positif maximal. Comme les régions de Flandre et de Bruxelles-Capitale mentionnent également l’introduction d’une consigne dans leur accord de coalition, l’avancée de la Wallonie dans la bonne direction est susceptible d’avoir un effet domino rapide sur les deux autres régions. L’introduction d’une consigne en Belgique semble donc désormais inévitable.
Enfin, Mme Tellier évoque l’idée d’un « Mr ou Mme Consigne », chargé de « consulter et négocier » avec l’industrie. Bien que ce point puisse être intéressant pour assurer la contribution des producteurs responsables de l’emballage (suivant la Responsabilité Élargie du Producteur, REP), cela pourrait aboutir à une discussion fermée « à huit clos ». Comme le prescrit la nouvelle Directive-cadre sur les déchets (article 8, paragraphe b, alinéa 6), les États membres de l’Union européenne doivent assurer « le dialogue entre les parties prenantes concernées par la mise en œuvre de la responsabilité élargie des producteurs », telles que la « société civile« . Il s’agit là d’un élément clé pour garantir que le système de responsabilité élargie des producteurs sera mis en place de manière à être le plus efficace et le plus largement soutenu. Un comité de réflexion, impliqué de bout en bout pour suivre l’avancement de l’étude (de l’établissement du cadre au suivi des résultats) assurerait une meilleure représentativité de tous les acteurs concernés : municipalités, organisations d’agriculteurs, organisations environnementales et organisations de consommateurs.
Conclusion
Globalement, le lancement de cette étude de faisabilité est un pas dans la bonne direction pour passer du mythe à la réalité et se rapprocher de la mise en place d’un système de consigne en Wallonie, et dans l’ensemble de la Belgique. Cependant, pour respecter l’accord de coalition et mettre en œuvre la consigne sur les canettes et les petites bouteilles en plastique dans le cadre du mandat, l’étude doit être réalisée en temps utile, de préférence dans les six mois, et avec le bon objet d’étude. C’est essentiel pour ne pas retarder davantage l’introduction d’un système de consigne en Belgique. Les demandes des citoyens, des agriculteurs, des environnementalistes et des bourgmestres doivent recevoir une réponse rapide de la part du gouvernement wallon.